censure

Je roule tranquillement sur une route de campagne quand un cénobite [1] me fait signe. Jean, car c’est son prénom, me demande de le conduire au presbytère [2] afin qu’il puisse prêcher la bonne parole à dessein. Durant le trajet, le profès [3] m’explique qu’il pratique la cuniculiculture [4] et qu’il aime ça. Puis, il me propose de conduire, mais comme il est presbyte [5], il confond la biche qui traverse la route avec une cucurbitacée [6] et nous voilà embourbés sur le bas-côté. Divergent nos solutions pour dégager la voiture. Faute de consensus, je demande à Jean de pousser pendant que j’embraye mais Jean cule [7]. Le susnommé lève les mains au ciel et débite une prière vive et jaculatoire [8]. Entre temps, la nuit est tombée. « Vous avez de la chance que je sois nyctalope [9] » dis-je, tout en remarquant l’air concupiscent [10] de Jean. Après bien des efforts, nous arrivons enfin à destination. En guise de remerciement, il me confesse et cela me fait le plus grand bien.


[1] moine vivant en communauté

[2] du grec presbus, « vieux, ancien » : maison du curé

[3] qui a fait les vœux par lesquels on s’engage dans un ordre religieux

[4] du latin cuniculus, « lapin » : élevage de lapins

[5] du grec presbus, « vieux, ancien » : qui ne voit que de loin

[6] plante de la famille de la courge (melon, concombre…)

[7] culer : aller en arrière (se dit surtout d’un bateau)

[8] oraison jaculatoire : prière courte qu’on adresse au ciel

[9] qui voit bien la nuit

[10] « concupiscent » est une accumulation de « syllabes sales », comme on les appelait au XIXe siècle