Vendredi dernier, je suis allée voir Bernard Pivot qui officiait pendant quatre petits jours seulement au Théâtre du Rond-Point. Un événement que je n’aurais raté pour rien au monde !
Pendant plus d’une heure, débout devant son pupitre ou assis dans l’authentique fauteuil d’Apostrophes, il nous a conté les meilleurs mots-ments de sa vie.
À l’évocation du premier mot, jeunesse, le voici tantôt crâneur au volant d’un triporteur de fruits et légumes (ses parents étaient épiciers), tantôt stratège à bord d’un train fantôme, profitant, avec la complicité d’un « gratteur de tête », du contact physique de jeunes filles apeurées. Ces souvenirs de fête foraine ont inspiré son premier (et longtemps unique) roman L’amour en vogue (1959).
Arrive le temps des vendanges, véritable éveil à la sensualité à la vue de ces « Fragonardes » (mot inventé par Colette en 1932 pour désigner des femmes pulpeuses, telles que Fragonard les peignait) qui se penchaient pour cueillir les raisins. C’est d’ailleurs grâce au vin qu’à 23 ans, Bernard Pivot se tire d’affaire d’un entretien d’embauche – qui semble mal engagé – au Figaro Littéraire. Maurice Noël, alors directeur du journal et grand amateur de Beaujolais, alléché par la proposition du jeune Pivot de lui faire goûter la cuvée parentale, le prend trois mois à l’essai.