Le latin, parce que vous le valez bien ! (suite et fin)

Souvenez-vous, dans un précédent billet, je faisais l’inventaire des marques aux noms latins ou dérivés du latin. Et Dieu sait si elles étaient nombreuses ! Pour autant, il ne faudrait pas tomber dans l’excès inverse et croire que toutes les marques finissant en -us ou en -ex sont d’origine latine ! Il était donc indispensable de dresser la liste de ces faux-amis, c’est-à-dire ces mots qui ont tout l’air d’être latins, mais qui ne sont pas latins…

9h30 – Le réveil de Caroline sonne (elle est en RTT aujourd’hui). Une fois levée, elle se prend les pieds dans les LEGO (contraction du danois legodt, « joue bien »[1]) de son fils qui jonchent le tapis.

10h30 – Après avoir pris son petit déjeuner, Caroline fait la vaisselle à l’aide de son éponge SPONTEX (contraction de spongieux et textile), puis fait tourner une machine avec OMO (acronyme anglais de Old Mother Owl, « vieille maman chouette »).[2]

11h45- Caroline a la flemme de préparer le repas. Ce sera des bâtonnets de poisson FINDUS (contraction du suédois Frukt – Industrin, société de conserves de fruits et légumes) pour tout le monde !

15h – Après déjeuner, Caroline s’habille, met sa ROLEX (anagramme partielle d’horlogerie exquise) et chausse ses escarpins ERAM (composé des deux premières lettres inversées de Re et Marie, prénoms du fondateur et de son épouse).[3]

16h- Sur le chemin, elle passe devant une publicité pour les préservatifs DUREX, contraction de l’anglais Durability, Reliability, Excellence. Son concurrent est MANIX, nom créé en référence à la série américaine Mannix.

18h- Caroline récupère sa fille à la crèche et lui donne son bain avec des produits CADUM, initialement formulés à base d’huile de Cade, appellation provençale d’un genévrier du midi.

Publicite affiche ancienne Cadum

Source : Jean Watin-Augouard, Histoire de marques, Eyrolles, 2006

[1] La marque renvoie aussi – mais est-ce volontaire ? – au latin lego, « j’étudie, j’assemble ».

[2] Attention, en latin homo prend un « h » !

[3] Il se trouve qu’eram signifie aussi « j’étais » en latin. Mais ce n’est que pure coïncidence.

Le latin, parce que vous le valez bien !

Quand on vous dit « latin », vous pensez (dans le pire des cas) au Moyen Âge, à la messe, et à cette vieille peau de Madame Piard qui vous rabâchait les oreilles en 5e avec  « rosa, rosa, rosam ». Au mieux, vous êtes dans le déni, car pour vous, seuls les sombreros, la salsa et Shakira sont véritablement « latins ».

Or, si 80% de notre vocabulaire français provient du latin (mais ça, Madame Piard vous l’a déjà dit), bon nombre de marques de produits ou de services que nous utilisons au quotidien portent des noms latins ou fortement inspirés du latin (mais ça, elle a « oublié » de vous le dire). Tout au long de la journée, nous lisons, nous prononçons ces mots latins sans toujours nous en rendre compte. La preuve heure par heure.

7h00 – Comme chaque matin, je n’entends pas mon réveil sonner. Normal, depuis que les nouveaux voisins ont emménagé avec leur bébé, je dors avec des boules QUIES (quies, quietis « repos, calme ») [1].

7h42 – Enfin levée, je file à la cuisine pour prendre mon petit déjeuner. J’ouvre une brique de CANDIA (candidus, « blanc ») mais comme je suis toujours dans le coaltar, je m’entaille le doigt en attrapant un couteau. Vite, un URGO (urgeo, « s’occuper avec insistance de quelque chose ») !

8h05 – Direction la salle de bain. Après m’être douchée avec SANEX (sanus, « sain »), je me tartine le corps de crème NIVEA (nix, nivis, « neige ») puis je brosse mes dents avec du dentifrice aux plantes de chez VADEMECUM (vade mecum, « va avec moi »).

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Un acrostiche qui tient à coeur

Un acrostiche kézako? C’est un poème dont les initiales des vers, lues verticalement, composent un mot.

Et pas n’importe lequel! Le nom de l’auteur, celui du dédicataire (la personne à qui l’œuvre est dédiée), ou tout autre mot-clé qui ajoute du sens et de la valeur au texte.

Sur cette affiche de l’INPES, pas de poème à proprement parler mais une succession de termes ayant trait aux sentiments et à la sexualité.

Par le jeu des couleurs et des cases, l’acrostiche se détache visuellement du texte (d’habitude il faut la deviner).

Elle utilise des initiales (comme le D de Désir) mais aussi des lettres médianes (on parle alors de mésostiche).

Une manière d’accrocher le regard du passant et l’inviter à faire un geste indispensable pour sa santé et celle de ses proches.

Un acrostiche très utile, donc !

Et plus si affinité

Copain, camarade, collègue… bien souvent on utilise ces mots indifféremment, comme s’ils étaient plus ou moins synonymes d’ « amis ». Pourtant, leur étymologie renvoie à une signification bien précise.

D’origine latine, ils sont presque tous formés par la préposition cum, « avec » (devenue co- dans la plupart des cas) et d’un radical dérivé d’un verbe, d’un nom ou d’un adjectif.

Pour saisir le sens premier de chacun de ces mots, imaginons que je rencontre un parfait inconnu…

Si je partage un morceau de pain avec lui, il devient mon compagnon (cum + panis, pain) ou, plus familièrement, mon copain.

Je l’invite à ma table ? Il est mon commensal (cum + mensa, table).

À ce stade-là, bien sûr, il n’est encore qu’une connaissance (cum + noscere, apprendre à connaître).

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Pourquoi, au féminin, turc fait « turque » et grec fait « grecque » ?

Encore une aberration de la langue française ? Pas si sûr…

Que dit la règle ?

astérix litPour former le féminin des adjectifs finissant par un « c », on remplace ce « c » par la terminaison -che ou -que selon les cas.

Exemples : sec devient « sèche », blanc devient « blanche, public devient « publique » et turc devient… « turque » !

À noter qu’il y a un piège pour franc qui a deux féminins : l’un en -que « franque » (relative aux Francs), l’autre en –che, « franche » (sincère).

Jusque là, tout va à peu près bien.

Mais alors, pourquoi « grec » ne suit-il pas cette règle ? Pourquoi ce « c » se maintient-il alors qu’il devrait disparaître ?

Il semblerait que la cause soit à chercher du côté de la prononciation…

En effet, pour maintenir au féminin, le « e ouvert » (= è) du masculin, on a coutume de doubler la consonne qui suit.

Exemple : net devient « nette », cruel devient « cruelle », etc.

Dans le cas de grec, doubler la consonne reviendrait à écrire « grecce ». Or, pour conserver le son [k] (on dit aussi le son « guttural ») devant « e »,  le second « c » se transforme en -qu, d’où « grecque » !

En résumé, « grec » conserve son « c » au féminin pour rétablir la prononciation du masculin, ce qui n’est pas le cas de « turc » dont la féminisation ne change en rien la prononciation (il n’y a pas de distinction à faire entre un « u » ouvert et un « u » fermé !).

Sources : le forum de World Reference, Le Bon usage (Grevisse en ligne) et le CNRTL.