Le latin, parce que vous le valez bien !

Quand on vous dit « latin », vous pensez (dans le pire des cas) au Moyen Âge, à la messe, et à cette vieille peau de Madame Piard qui vous rabâchait les oreilles en 5e avec  « rosa, rosa, rosam ». Au mieux, vous êtes dans le déni, car pour vous, seuls les sombreros, la salsa et Shakira sont véritablement « latins ».

Or, si 80% de notre vocabulaire français provient du latin (mais ça, Madame Piard vous l’a déjà dit), bon nombre de marques de produits ou de services que nous utilisons au quotidien portent des noms latins ou fortement inspirés du latin (mais ça, elle a « oublié » de vous le dire). Tout au long de la journée, nous lisons, nous prononçons ces mots latins sans toujours nous en rendre compte. La preuve heure par heure.

7h00 – Comme chaque matin, je n’entends pas mon réveil sonner. Normal, depuis que les nouveaux voisins ont emménagé avec leur bébé, je dors avec des boules QUIES (quies, quietis « repos, calme ») [1].

7h42 – Enfin levée, je file à la cuisine pour prendre mon petit déjeuner. J’ouvre une brique de CANDIA (candidus, « blanc ») mais comme je suis toujours dans le coaltar, je m’entaille le doigt en attrapant un couteau. Vite, un URGO (urgeo, « s’occuper avec insistance de quelque chose ») !

8h05 – Direction la salle de bain. Après m’être douchée avec SANEX (sanus, « sain »), je me tartine le corps de crème NIVEA (nix, nivis, « neige ») puis je brosse mes dents avec du dentifrice aux plantes de chez VADEMECUM (vade mecum, « va avec moi »).

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Et plus si affinité

Copain, camarade, collègue… bien souvent on utilise ces mots indifféremment, comme s’ils étaient plus ou moins synonymes d’ « amis ». Pourtant, leur étymologie renvoie à une signification bien précise.

D’origine latine, ils sont presque tous formés par la préposition cum, « avec » (devenue co- dans la plupart des cas) et d’un radical dérivé d’un verbe, d’un nom ou d’un adjectif.

Pour saisir le sens premier de chacun de ces mots, imaginons que je rencontre un parfait inconnu…

Si je partage un morceau de pain avec lui, il devient mon compagnon (cum + panis, pain) ou, plus familièrement, mon copain.

Je l’invite à ma table ? Il est mon commensal (cum + mensa, table).

À ce stade-là, bien sûr, il n’est encore qu’une connaissance (cum + noscere, apprendre à connaître).

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Pourquoi, au féminin, turc fait « turque » et grec fait « grecque » ?

Encore une aberration de la langue française ? Pas si sûr…

Que dit la règle ?

astérix litPour former le féminin des adjectifs finissant par un « c », on remplace ce « c » par la terminaison -che ou -que selon les cas.

Exemples : sec devient « sèche », blanc devient « blanche, public devient « publique » et turc devient… « turque » !

À noter qu’il y a un piège pour franc qui a deux féminins : l’un en -que « franque » (relative aux Francs), l’autre en –che, « franche » (sincère).

Jusque là, tout va à peu près bien.

Mais alors, pourquoi « grec » ne suit-il pas cette règle ? Pourquoi ce « c » se maintient-il alors qu’il devrait disparaître ?

Il semblerait que la cause soit à chercher du côté de la prononciation…

En effet, pour maintenir au féminin, le « e ouvert » (= è) du masculin, on a coutume de doubler la consonne qui suit.

Exemple : net devient « nette », cruel devient « cruelle », etc.

Dans le cas de grec, doubler la consonne reviendrait à écrire « grecce ». Or, pour conserver le son [k] (on dit aussi le son « guttural ») devant « e »,  le second « c » se transforme en -qu, d’où « grecque » !

En résumé, « grec » conserve son « c » au féminin pour rétablir la prononciation du masculin, ce qui n’est pas le cas de « turc » dont la féminisation ne change en rien la prononciation (il n’y a pas de distinction à faire entre un « u » ouvert et un « u » fermé !).

Sources : le forum de World Reference, Le Bon usage (Grevisse en ligne) et le CNRTL.

 

Ah ou Ha ? Eh ou Hé ? Oh ou Ho ?

En ancien français, c’était plus facile : ces interjections s’écrivaient a, e et ô ! Aujourd’hui, on ne sait pas toujours quelle forme employer. Popularisées par les grands auteurs du théâtre classique comme Molière, Racine ou Corneille, elles ont chacune leur subtilité et ne sauraient être confondues. Pour ne plus se tromper, il suffit de suivre le mode d’emploi !

Ah ou Ha ?

Ah ! marque un sentiment vif (douleur, joie…).

Exemple : « Ah ! Fâcheuses nouvelles pour un cœur amoureux ! » (Molière, Les fourberies de Scapin)

Ha ! exprime la surprise et surtout le rire, quand il est redoublé.

Exemple : « Ha, ha, ha. Ma foi ! cela est tout à fait drôle. » (Molière, Le bourgeois gentilhomme)

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Les « inex » sans kleenex !

Inexpugnable, inextinguible, inexorable, inextricable, inexpiable : cinq adjectifs à l’allure rebutante, mais à la signification plutôt simple pour qui sait les apprivoiser.

Car ces « inex » ne sont pas des marrants. Composés des préfixes in- (négation) et ex- (hors), ils expriment tous une forme d’échec, d’impuissance ou de fatalité.

Heureusement, avec cette petite mise au point, vous n’aurez plus peur de vous mesurer à eux, d’en saisir le sens exact, et de les employer à bon escient.

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Ce qu’on ne peut assaillir, qui résiste à toutes les attaques, est… INEXPUGNABLE

Étymologie : latin in + expugnare, « prendre par la force ».

Synonyme : imprenable.

Exemple : « C’est l’inexpugnable arrogance de votre beauté qui m’asperge » (Jean Dujardin, OSS 117).

 

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Marat ou Murat ? Du drame au boulevard

Parce qu’ils ont été de farouches partisans de la Révolution française et que leurs noms se ressemblent, on pourrait confondre Jean-Paul Marat et Joachim Murat. Ainsi, le 24 juillet 2013, un article du dauphine.com rapportait l’inauguration d’une statue de Murat à Vizille, en Isère. Or la sculpture était à l’effigie de… Marat ! Une confusion d’autant plus intéressante que Murat a failli changer son nom en « Marat ». Savez-vous pourquoi ?

Jean-Paul Marat

13 juillet 1793 : Joachim Murat est un jeune chef d’escadron de 22 ans quand Jean-Paul Marat, député montagnard de la Convention, est assassiné par Charlotte Corday. Or depuis 1791, Murat ne cache pas son admiration pour celui que l’on surnomme « l’Ami du peuple ». Afin de lui rendre hommage, Murat décide de « devenir » Marat. Il doit se dire qu’à une voyelle près, cela ne devrait pas poser de problème. Ce qu’il ignore peut-être, c’est que le nom du père de Marat, Sarde d’origine espagnole, s’écrivait Mara. Le « t » final ne sera ajouté que plus tard. Sans se poser plus de questions, Murat écrit au club des Jacobins, mais la chute de Robespierre le 9 Thermidor (27 juillet 1794) entraîne le déclin puis la dissolution du club quelques mois plus tard. Pas de chance ! La demande de Murat reste lettre morte. Murat reste donc Murat… Du moins pour l’instant.

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« Para » : un préfixe pas comme les autres

Une racine à laquelle s’ajoute un préfixe ou un suffixe (voire les deux pour les plus chanceux), c’est ainsi que se forment la plupart des mots que nous utilisons. Certains sont si ancrés dans notre langage quotidien que nous n’avons pas le réflexe de les décomposer, alors qu’ils ont tant de choses à nous apprendre !

Prenons, par exemple, le préfixe « para- ». Selon le mot devant lequel il se place, il ne signifie pas la même chose. En effet, il n’y a pas un mais deux « para- », avec une origine et un sens bien déterminés.

personnage grec dans asterix

Le premier « para- » vient du grec para. À l’origine, il veut dire « contraire à ». Mais depuis qu’il est entré dans le vocabulaire médical et biologique, il signifie aussi « à côté de ».

Le « para- » grec sert surtout à former des mots savants ou techniques comme :

Paranoïa = para- + noia (de noos, « esprit, intelligence »), littéralement « contraire à l’entendement », d’où « folie ».

Paradoxe : para- + doxa, « opinion », littéralement : « opinion contraire à l’opinion commune »

Parapharmacie : para- + pharmacie, « ensemble des produits non médicamenteux vendus en pharmacie ».

Paranormal : para- + normal, « caractère de ce qui se situe en marge de la normalité ».

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La règle « sans + nom »… sans peine et sans pleurs !

Le nom qui suit la préposition « sans » doit-il être au singulier ou au pluriel ? Puisque « sans » indique l’absence, la logique voudrait qu’on emploie le singulier, mais le pluriel est tout aussi fréquent. Un vrai casse-tête qui mérite d’être tranché une bonne fois pour toutes.

1) Si le nom exprime il une réalité abstraite (ou une réalité concrète que l’on ne peut compter), il est au singulier.

un-monde-sans-eau-

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Les impostures culinaires (ou comment votre assiette vous ment)

Raymond Devos, dans un excellent sketch, prenait son public à témoin : « Avez-vous remarqué qu’à table les mets que l’on vous sert vous mettent les mots à la bouche ? »Et l’humoriste de se moquer, tout en maniant les subtilités de la langue française avec le talent qu’on lui connaît, de ces individus qui, littéralement, « alimentent la conversation », c’est-à-dire parlent la bouche pleine !

Pourtant, mettre des mots sur des mets (sans mastiquer en même temps !) est non seulement agréable pour nos sens et pour notre estomac, mais peut éviter bien des déconvenues. Car à l’oreille, l’appellation de certains aliments, qu’ils soient exotiques, rares ou raffinés, se révèle très équivoque…

Il y a d’abord les plats dont le nom semble « à l’envers », comme le curry d’agneau. Pourquoi ne dit-on pas tout simplement de l’agneau au curry ? Pourquoi diable l’épice est-elle placée avant la viande?

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Des adjectifs hauts en couleur

illustration penelope bagieu - texte la plume à poil

Si les mots vous manquent parfois pour qualifier une couleur ou une nuance ou si vous voulez simplement briller en société, alors…

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