Quand on vous dit « latin », vous pensez (dans le pire des cas) au Moyen Âge, à la messe, et à cette vieille peau de Madame Piard qui vous rabâchait les oreilles en 5e avec « rosa, rosa, rosam ». Au mieux, vous êtes dans le déni, car pour vous, seuls les sombreros, la salsa et Shakira sont véritablement « latins ».
Or, si 80% de notre vocabulaire français provient du latin (mais ça, Madame Piard vous l’a déjà dit), bon nombre de marques de produits ou de services que nous utilisons au quotidien portent des noms latins ou fortement inspirés du latin (mais ça, elle a « oublié » de vous le dire). Tout au long de la journée, nous lisons, nous prononçons ces mots latins sans toujours nous en rendre compte. La preuve heure par heure.
7h00 – Comme chaque matin, je n’entends pas mon réveil sonner. Normal, depuis que les nouveaux voisins ont emménagé avec leur bébé, je dors avec des boules QUIES (quies, quietis « repos, calme ») [1].
7h42 – Enfin levée, je file à la cuisine pour prendre mon petit déjeuner. J’ouvre une brique de CANDIA (candidus, « blanc ») mais comme je suis toujours dans le coaltar, je m’entaille le doigt en attrapant un couteau. Vite, un URGO (urgeo, « s’occuper avec insistance de quelque chose ») !
8h05 – Direction la salle de bain. Après m’être douchée avec SANEX (sanus, « sain »), je me tartine le corps de crème NIVEA (nix, nivis, « neige ») puis je brosse mes dents avec du dentifrice aux plantes de chez VADEMECUM (vade mecum, « va avec moi »).
8h23 – Je n’ai plus aucune chemise propre depuis que la lessive BONUX (bonus, « bon ») n’est plus commercialisée ! Heureusement, j’en retrouve une (complètement froissée) au fond du placard. Et c’est parti pour 15 min de repassage avec mon nouveau fer CALOR (calor, « chaleur » (ça vous saviez !)).
8h40 – J’enfile mes bottines GEOX (geo, « terre ») qui laissent respirer mes pieds (oui, c’est important) puis je cours dans les escaliers.
8h42 – Je monte dans ma VOLVO (volvo, « je roule », et par extension « je tourne »), heu non… la Volvo c’était avant ma promo. Maintenant je roule en AUDI (audi, « j’écoute »).
9h06 – Je me gare au parc VINCI (impératif du verbe latin vincere, « vaincre ») qui se trouve être aussi le patronyme du célèbre artiste et inventeur.
9h10 – J’arrive à mon bureau, j’ouvre mon magnifique agenda QUO VADIS (« où vas-tu ? ») pour consulter mes rendez-vous.
12h45 – C’est déjà l’heure du déjeuner. Tout en écoutant d’une oreille les derniers potins de Caroline, je cherche mon âge sous le verre. Manque de bol, ce n’est pas un DURALEX (dura lex, sed lex, « la loi est dure mais c’est la loi »).
15h36 – Saleté de courant d’air, j’ai la gorge comme une éponge à gratter ! Heureusement Caroline, comme M.C Solaar, a toujours des VALDA (contraction de valetudo « santé » et dare « donner ») sur elle.
16h – J’ai rendez-vous au siège de VIVENDI (gérondif du mot latin vivere, « vivre », que l’on retrouve dans l’expression « modus vivendi » [2]).
18h – À la recherche d’une nouvelle robe pour le cocktail de la semaine prochaine, je m’arrête dans une boutique SINÉQUANONE (sine qua non, « sans quoi rien ne peut se faire »).
19h – De retour à la maison, je me dis qu’un petit footing ne me ferait pas de mal, alors j’enfile mes ASICS (acronyme de Anima Sana In Corpore Sano, « Un esprit sain dans un corps sain »).
21h – Je termine la journée en beauté, au coin de la cheminée, à feuilleter le dernier livre paru chez FOLIO (folium, « feuille ») tout en dégustant un yaourt au BIFIDUS (bifidus, « fendu en deux »).
Surprenant, non ? Bien sûr, cette liste n’est pas exhaustive et il ne tient qu’à vous de la compléter. Prochainement, un petit florilège de faux-amis, c’est-à-dire des mots qui ont tout l’air d’être latins… mais qui ne sont pas latins !
Source : Jean Watin-Augouard, Histoire de marques, Eyrolles, 2006