Comment l’expression familière « bout de chou » (qui désigne un enfant mignon) est-elle devenue « bout’ chou » sur ce panneau ?
Elle a été victime non pas d’une mais de deux amputations !
De « bout de chou » à « bout d’chou »
Ici, le « e » de la préposition « de » a disparu à l’oral, permettant une prononciation plus rapide. Or, cette nouvelle prononciation a fini par être retranscrite à l’écrit. Ce procédé, consistant à tronquer la fin d’un mot (qu’il s’agisse d’une lettre, d’une syllabe ou d’un son) est une apocope. Elle est très pratiquée par les gens « qui mangent leurs mots ». Par exemple, utiliser « t’ » à la place de « tu » (comme dans « t’as raison ») est une apocope. Prononcer « Mitt’rrand » au lieu de « Mitterrand » est une apocope. Oui, mais si l’apocope permet de gagner du temps, comment se fait-il qu’à Marseille, on ajoute à « pneu » (l’apocope de « pneumatique ») le son [eu] pour faire « peuneu » ?!!
De « bout d’chou » à « bout’chou »
Dans « bout d’chou », deux « dentales », « d » et « t » sont côte à côte. Qu’est-ce qu’une dentale ? Une consonne qui s’articule avec la pointe de la langue sur les dents. Or, à l’oral, c’est le « t » qui a pris le dessus sur le « d ». Au final, entre « bout de chou » et « bout’chou », la préposition « de » a complètement disparu. Ce procédé de style, qui consiste à supprimer un mot de liaison, par exemple une préposition telle que « de » ou « pour », est une asyndète.
Quelle sera la prochaine étape ? Écrire « boutchou » (cette graphie existe déjà) et ne plus prononcer le « t » ? Ainsi, on rapprocherait le mot d’une de ses possibles étymologies ¹: l’occitan de Provence bochon, diminutif de bòcha, qui a donné le « bouchon » qu’on utilise en pétanque. Ne dit-on pas affectivement d’un jeune enfant qu’il est un « petit bouchon » ?
__________
¹ Autre explication : on dit souvent que les enfants naissent dans les choux. Un bout de chou serait donc un élément issu d’un chou, c’est-à-dire un enfant (source : le blog Bouillon de Culture). Plus généralement, un bout désigne « un reste, un élément subsistant » ou une « partie subdivisée », sens qui s’applique aussi bien à une chose qu’à une personne : « un petit bout d’homme », « un bout de chou » (source : le dictionnaire historique de la langue française, dirigé par Alain Rey).