Mercredi, la rédaction du Plus/Nouvel Obs m’a contactée pour savoir ce que je pensais du terme « zlataner ». Voici ma réponse.

L’émergence du verbe « zlataner » ne m’a pas étonnée. Si ce « néologisme », d’abord créé par les Guignols de l’info, a été repris en une de l’Équipe et commenté par des pointures comme Bernard Pivot ou Alain Rey, c’est qu’il accroche.

Du point de vue de l’évolution de la langue française, on remarque que des noms communs sont de plus en plus souvent utilisés pour former des verbes. Je pense aux signatures publicitaires « millionnisez vos cils ! » (L’Oréal) ou plus récemment « Prenons le temps de biscuiter ensemble » (Milka).

Avec « zlataner », la nouveauté consiste à former un verbe à partir d’un nom propre. Car si l’on utilise fréquemment les noms de politiques pour former des adjectifs (mitterrandien, sarkozyste…), il est rarissime qu’un patronyme célèbre inspire un verbe.

Or, dans notre exemple, il ne s’agit pas de n’importe qui ! Zlatan Ibrahimovic, nouvelle star du Paris Saint-Germain, est réputé pour donner de bonnes leçons de football à ses adversaires. Ça tombe bien, phonétiquement, « zlataner » fait penser à « mettre une tannée », expression familière signifiant « donner une correction sévère ». Mais en choisissant de titrer « Les Verts zlatanent Paris », les journalistes de l’Equipe ont fait preuve d’ironie. Ce coup-ci, ce sont les Verts qui ont donné une leçon à Paris (et donc à leur « chouchou ») et non l’inverse, comme on aurait pu le croire ! C’est désormais officiel : le « zlatanage » n’est pas l’apanage de Zlatan !

Penser au dictionnaire est prématuré

Que « l’Équipe » joue avec ce mot, je trouve cela plutôt sain et amusant. De là à le mettre dans le dictionnaire, non ! Le jour où l’on entendra dans les couloirs des entreprises ou dans les cours de récréations, un certain nombre d’individus dire « celui-là, je l’ai zlatané ! » pour « je lui ai mis sa raclée » (au sens propre comme au figuré), on pourra en reparler.

De façon générale, pour qu’un néologisme entre dans le dictionnaire, il faut qu’il soit utilisé dans d’autres contextes que celui dans lequel il a émergé.

C’est le cas du mot « bravitude » (employé pour la première fois par Ségolène Royal) qui est entré dans le « wiktionnaire », mais pas dans les dictionnaires « de référence ». Normal, puisqu’il n’est pas passé dans le langage courant. Ainsi, lorsqu’un mot reste intimement lié à une personnalité, il n’a pas vocation à l’universalité. À l’inverse, prenez les termes « gargantuesque », « ubuesque » ou « kafkaïen » : ils sont tellement entrés dans nos habitudes de langage qu’on oublierait presque qu’ils ont été inspirés de personnages, réels ou fictifs !

Une chose est sûre : tant que l’on dira « zlataner » à propos de football, tout en gardant en tête la référence à l’attaquant suédois, le néologisme restera une belle illustration de la créativité médiatique, et c’est déjà très bien comme ça !

Propos recueillis par Louise Pothier.

Consulter l’article sur le site du Plus/Nouvel Obs.

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