Une racine à laquelle s’ajoute un préfixe ou un suffixe (voire les deux pour les plus chanceux), c’est ainsi que se forment la plupart des mots que nous utilisons. Certains sont si ancrés dans notre langage quotidien que nous n’avons pas le réflexe de les décomposer, alors qu’ils ont tant de choses à nous apprendre !
Prenons, par exemple, le préfixe « para- ». Selon le mot devant lequel il se place, il ne signifie pas la même chose. En effet, il n’y a pas un mais deux « para- », avec une origine et un sens bien déterminés.
Le premier « para- » vient du grec para. À l’origine, il veut dire « contraire à ». Mais depuis qu’il est entré dans le vocabulaire médical et biologique, il signifie aussi « à côté de ».
Le « para- » grec sert surtout à former des mots savants ou techniques comme :
Paranoïa = para- + noia (de noos, « esprit, intelligence »), littéralement « contraire à l’entendement », d’où « folie ».
Paradoxe : para- + doxa, « opinion », littéralement : « opinion contraire à l’opinion commune »
Parapharmacie : para- + pharmacie, « ensemble des produits non médicamenteux vendus en pharmacie ».
Paranormal : para- + normal, « caractère de ce qui se situe en marge de la normalité ».
L’autre « para- » dérive de l’italien parare (cf. parer en français) et signifie « protéger », « garantir » (contre quelque chose)
Le « para- » italien entre surtout dans la composition de mots usuels dont on devine aisément le sens, comme :
Parasol (de l’italien parasole) = para- + sole (« soleil »). À noter que le parasol existait bien avant le parapluie (para- + pluie). Ce n’est qu’au XVIIe siècle que l’on eut l’idée d’utiliser les parasols pour se garder de la pluie en les rendant imperméables. Mais comment faisait-on avant ?
Parachute = para- + chute, « appareil constitué d’une voilure et d’un système d’attaches qui permet de ralentir la chute d’une personne ou d’un objet qui tombe d’une hauteur ». À noter qu’il a été formé sur le modèle de parasol et donc de… parapluie (c’est bien vous suivez).
Paracrotte (mon préféré) = para- + crotte, « appareil pour garantir de la boue en marchant, bande de cuir bouilli qu’on place de chaque côté de la portière d’une voiture afin de garantir de la boue ».
Parapet = para- + pet, « qui protège contre les gaz intestinaux bruyants et/ou malodorants » (perdu, si ça existait, ça se saurait !). « Parapet » vient de para- + petto (poitrine), littéralement « qui protège la poitrine », d’où « mur à hauteur d’appui ».[1]
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À présent, saurez-vous trouver avec quel « para- » (grec ou italien) les mots suivants sont formés ?
Paraplégie – Paratonnerre – Parabole – Paramilitaire – Paralympique – Paravue – Paralysie – Paramètre – Parapente – Paragraphe – Paragrêle – Parasite – Paradoxe – Paravent – Paraverbal – Paralume – Paradigme- Parallèle – Parabuée – Parasismique – Paraphrase – Paramoustique – Paraneige…
Et pour calmer le mal de tête que vous venez d’attraper, rien ne vaut une bonne dose de paracétamol !
Sources : Le Nouveau Littré (2007) et Le dictionnaire historique de la langue française dirigé par Alain Rey (2010)
[1] On retrouve « petto » dans la locution in petto, qui signifie « dans le secret du cœur », « en le pensant sans le dire ».