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– Attends, y’a un astérix !
Lorsqu’en 1959, Goscinny – avec la complicité d’Uderzo – baptisa « Astérix » le héros de sa nouvelle bande dessinée, il n’avait pas songé que ce nom deviendrait populaire au point d’être confondu avec le mot dont il était issu : l’astérisque.
Difficile, quand on a appris le nom du guerrier gaulois avant même de soupçonner l’existence du signe typographique, de ne pas s’emmêler les pinceaux une fois arrivé à l’âge adulte. De plus, si l’on se prive de bien articuler le mot « astérisque », on bascule inévitablement vers « astérix ». Faites-le test en le répétant très vite.
Qu’elle soit due à une ignorance fautive, à un lapsus nostalgique ou à une prononciation paresseuse, cette « faute » est l’occasion d’en savoir un peu plus sur les noms des irréductibles Gaulois…
Signifiant « petite étoile » en grec[1], l’astérisque est représenté par ( * ). Placé à la suite d’un mot, il renvoie à une note de bas de page. Placé devant le mot, il en signale une forme particulière. Ajoutez le suffixe –ix, clin d’œil au chef gaulois Vercingétorix, et vous obtenez « Astérix », qui peut également se traduire par … « roi des étoiles »[2]. Un nom sur-mesure pour une future star…
Mais Astérix ne fait pas exception. Les noms des autres habitants du village gaulois sont presque tous construits de la même façon : un mot, un groupe de mot ou une expression, se terminant par –ix. Ainsi, « idée fixe » devient (facile !) Idéfix, « panoramique » donne Panoramix, « ordre alphabétique » : Ordralfabétix, « à bras raccourci » : Abraraccourcix, « c’est automatique » : Cétautomatix, « assurance tous risques » : Assurancetourix… pour ne citer que les principaux.
Les principaux ? Et Obélix dans tout ça ? Facile, son nom vient de l’obélisque …
Eh bien non !
Comme celui d’Astérix, le nom « Obélix » dérive d’un autre signe typographique : l’obèle. Loin d’être une coïncidence, ces choix constituent un hommage à la mémoire du grand-père de Goscinny, imprimeur-typographe.
Venant du grec obelos « broche » (à rôtir), l’obèle correspond à l’origine au signe ÷, utilisé aujourd’hui pour la division. Puis il a pris la forme d’une croix latine[3], simple † ou double ‡, pour marquer les passages modifiés ou ajoutés dans les manuscrits anciens[4].
Utilise-t-on encore l’obèle ? Oui, après le nom d’une personne ou une date pour signaler un décès. Mais aussi comme appel de note, en complément de l’astérisque. À l’image du « couple » formé par Astérix et Obélix, l’astérisque et l’obèle sont liés ! J’en profite pour rappeler ici que, tout comme nos héros gaulois, les noms « astérisque » et « obèle » sont de genre masculin.
À tous les « déçus » qui étaient convaincus qu’Obélix découlait d’obélisque, il est évident que l’imposant monument égyptien n’est pas sans rappeler la carrure du gaulois aux nattes rousses, tout aussi impressionnante (non, je n’ai pas dit gros !!!). D’ailleurs obélisque et obèle ont la même étymologie.
Ainsi, vous ne pourrez plus dire (ou laisser dire) : « Rejoins-moi place de la Concorde, devant l’obélix »! Sauf à vous trouver dans le parc d’attraction…
[1] D’asteriskos, diminutif de astêr (étoile).
[2] Du grec astêr (étoile) et du mot celte rix (roi).
[3] Croix dont la branche inférieure est plus longue que les autres.
[4] Aujourd’hui, pour signaler les modifications éditoriales d’un texte, on emploie des crochets droits, des astérisques et des chevrons.