Pourquoi le Don Quichotte de Miguel de Cervantès s’écrit-il « Don » et le Dom Juan de Molière « Dom », alors que les deux oeuvres datent du XVIIe siècle ?
Tout simplement parce que ce titre de noblesse, attribué à deux personnages espagnols, renoue, chez le dramaturge français, avec sa racine latine.
À l’origine, le titre dom, forme abrégée tirée du latin dominus (maître de maison), est donné à certains ecclésiastiques. Au XVIe siècle, l’abréviation devient « don », sur les modèles espagnol (Don Quijote de la Mancha, 1605) et italien (comme, plus récemment, le Don Corleone de Coppola).
Mais au début du XVIIe s., en France, réapparaît dom, qui désigne tout à la fois les membres de certains ordres religieux (comme le moine bénédictin Dom Pérignon, bien connu des amateurs de champagne), et, par latinisation, ceux de la noblesse. Il semblerait que le Dom Juan de Molière (1665), loin d’entrer dans les ordres, n’ait pas échappé à la tendance !
Par la suite, l’opéra de Mozart s’écrira Don Juan (en italien Don Giovanni, 1787), tout comme le Don Juan aux enfers de Baudelaire (1857).
Depuis Stendhal, on emploie don Juan pour « séducteur, homme à femmes ». Quant au don Quichotte, tout comme le personnage de Cervantès qui se « bat contre des moulins à vent » au lieu de véritables ennemis, il agit pour des causes sans intérêt ou perdues d’avance.
Source: Dictionnaire historique de la langue française, sous la dir. d’Alain Rey, juillet 2010