Ce lundi 9 décembre 2013, au Collège de France, s’est déroulé un colloque sur le thème : Quel avenir pour la langue française dans les médias audiovisuels ? Organisé par le CSA, le colloque a rassemblé des invités prestigieux – promoteurs de la francophonie, linguistes et académiciens, responsables de grands médias radio et TV – autour de trois tables rondes. Voici le résumé des propos échangés par les intervenants de la 2e table ronde, sur le thème « État des lieux, mise en valeur et bon usage de la langue française dans les médias audiovisuels » :
Erik Orsenna, membre de l’Académie française, s’offusque de l’utilisation de l’anglicisme Monop’daily pour nommer l’offre de restauration de Monoprix dans les wagons-bars de la SNCF.
François Jost, professeur à l’Université Paris III, conteste l’idée émise au sein de la première table ronde selon laquelle il existe une pluralité de français. Selon lui, il n’y a qu’une seule langue française et de multiples usages.
Xavier North, délégué général à la langue française et aux langues de France, distingue l’anglicisation au sein d’émissions de divertissement de l’anglicisation au sein d’émissions d’information.
Pour Alain Rey, lexicographe et linguiste, le respect envers la langue française se perd. En cause : la paresse des Francophones, mais aussi la relation, souvent sévère, entre enseignants et enseignés. Il cite la Zazie de Raymond Queneau, qui veut devenir institutrice « pour faire chier les mômes ». Plus que le vocabulaire, la maîtrise de la syntaxe et du temps du verbe est nécessaire pour construire un rapport aux autres, un rapport au monde.
Bernard Cerquiglini rappelle qu’au XVIe siècle, les mots d’origine étrangère étaient déjà rejetés, comme en témoigne le pamphlet d’Henri Estienne contre les italianismes. Il indique également qu’aucun des anglicismes employés par Marcel Proust (comme smart) n’a subsisté dans le langage courant, preuve que l’anglicisation du vocabulaire français n’est qu’un effet de mode.
Alors qu’il subsiste très peu de témoignages sur, par exemple, la parole du peuple de Paris aux XVe, XVIIe et même au début du XXe siècle, l’usage d’Internet conduit, au contraire, à une « épiphanie de la langue populaire ».
Marc Fumaroli, membre de l’Académie française et président de la Commission générale de terminologie et de néologie, indique que 18 commissions, chacune spécialisée dans un domaine, sont chargées de remplacer les anglicismes. Pour lui, le néologisme le plus réussi est « ordinateur » qui a su s’imposer face à l’anglais computer. En outre, il considère que l’État devrait se porter garant du respect du français et regrette que la loi Toubon ne soit pas davantage appliquée.
François Jost observe que l’Université remplit sa mission de langue française. Pour preuve, Paris est la destination la plus demandée des Erasmus. De plus, 55% des thèses sont produites en français par des étudiants étrangers.
Hélène Carrère d’Encausse, secrétaire perpétuel de l’Académie française, considère, à l’inverse de Bernard Cerquiglini, que c’est le peuple qui a « fait » la langue française.
Pour Bernard Cerquiglini, le peuple a certes « fait » la langue française, mais nous n’en avons connaissance que par des témoignages indirects (dans l’œuvre de Zola, par exemple), tandis qu’aujourd’hui, n’importe qui peut prendre la parole.
Il souligne la distinction entre le corpus et le statut d’une langue ; le corpus correspondant à sa structure, le statut à ses conditions d’utilisation. Or, il n’est possible de légiférer que sur le statut d’une langue. Seuls les États totalitaires comme l’Italie de Mussolini ont voulu constituer une police du corpus.
Erik Orsenna suggère de créer un radar qui sanctionne les écarts de langage.
Xavier North indique qu’au terme de l’enquête menée sur le bon emploi du français dans les messages publicitaires, une quarantaine de manquements seulement a été constatée. Il ajoute que la moitié des mots qui entrent aujourd’hui dans le dictionnaire sont des anglicismes, ce qui signifie que la langue française n’assimile plus les mots d’origine étrangère que ce soit phonétiquement, morphologiquement ou syntaxiquement.
Patrice Gélinet considère qu’une fois qu’un mot anglais est entré dans l’usage, il est quasiment impossible de le retirer. Il arrive également que la prononciation ne parvienne pas à se franciser. Par exemple, les Français prononcent [container], alors qu’il est recommandé de dire [conteneur].
Marc Fumaroli observe que le mot « courriel » a plutôt bien été accepté.
Erik Orsenna propose que le CSA décerne chaque année une victoire du français à l’émission télévisée ou à la chaîne qui respecte le mieux la langue française. Enfin, il annonce qu’en juin/septembre 2014, l’Académie française rendra hommage à notre langue à travers la chanson française.