À quelques heures du grand débat de l’entre-deux tours de l’élection présidentielle 2012, rappelons-nous celui qui, il y a 5 ans, opposa Ségolène Royal à Nicolas Sarkozy.
Qu’a-t-on retenu de ce débat ? Pas grand-chose, sur le fond comme sur la forme, si ce n’est un jeu de rôle surprenant : un Sarkozy d’un calme olympien (on attendait le « 1e flic de France » prêt à dégainer) versus une Ségolène (la madone de Charlety prêchant « aimez-vous les uns les autres » ) piquante à souhait… et à l’excès.
Durant un monologue qui semble interminable, elle s’emporte contre son adversaire sur la question de la scolarisation des enfants handicapés, mais bizarrement cette colère, qu’elle qualifie de « saine » manque terriblement de spontanéité !
C’est à ce moment qu’elle lâche une réplique aussi surréaliste que le reste : « Je ne m’énerve pas, je suis en colère », en réponse à Nicolas Sarkozy qui l’accuse de « perdre ses nerfs ».
Alors, 5 ans après (il n’est jamais trop tard), je me suis penchée sur la signification de cette phrase qui frise la tautologie en raison de la redondance de ses termes et du non-sens qui en découle.
« S’énerver » / « être en colère », n’est-ce donc pas la même chose ?
Oui et non. Si les symptômes qui expriment ces deux attitudes sont à peu près les mêmes : nervosité, mécontentement, irritation, excitation, emportement, agressivité…, les motivations diffèrent.
L’acte de « s’énerver » peut être gratuit, ce que les expressions populaires utilisées comme synonymes illustrent très bien : péter un câble (un plomb, une durite…), piquer une crise, craquer son slip… Or, ce caractère soudain, brutal, qui arrive « sans prévenir », pourrait tout à fait être une manifestation de folie, donc d’une maladie. C’est pourquoi on conseillera à l’individu qui sort de ses gonds sans raison d’aller se faire soigner…
À l’inverse, la colère peut être, comme le souligne Ségolène Royal, « saine », c’est-à-dire avoir une raison précise, et surtout une utilité.
Ce qui sur le moment apparaît comme une sophistication de langage, visant à faire diversion, est, après réflexion, une manière de contrer un adversaire qui la réduirait volontiers à une femme perdant son sang-froid, et, pourquoi pas, à une hystérique. (« Calmez-vous ! ).
De plus, la colère vise un but précis, elle témoigne d’une volonté d’alerter, d’influencer, de changer quelque chose.
Autre élément : on s’énerve toujours extérieurement, visiblement alors qu’il est possible d’être en colère dans son for intérieur, en silence (cf. les notions de « révolte silencieuse et de « marche silencieuse » qui ne perdent rien de leur force vindicative, militante, émotionnelle…au contraire !).
Enfin, l’étymologie montre qu’à l’origine de l’énervement et de la colère se trouvent des organes biologiques bien distincts. Quand on s’énerve (du latin enervare), on perd le contrôle de ses nerfs ; quand on est en colère (du latin cholera), on a la bile douloureuse.
Mais alors, puisque le choléra est une maladie, la colère l’est-elle aussi?
Oui, sauf que depuis le débat de 2007, il existe des maladies saines, et des maux mots nécessaires…