Jacques-Louis David et Jean-Louis David sont tous deux nés à Paris à 186 ans d’intervalle, le premier en 1748, le second en 1934. Jacques-Louis est peintre, Jean-Louis coiffeur. Ils excellent tous deux dans l’art du dégradé de couleur. La comparaison aurait dû s’arrêter là. Et pourtant…
Première coïncidence troublante, les David portent des prénoms composés. La mère de Jacques-Louis s’appelle Marie- Geneviève et son père Louis-Maurice. Une tendance qui se poursuit au XXe siècle, Jean-Louis ayant prénommé son fils Jean-Christophe. Rien d’étonnant à cela : pour faire carrière dans le capillaire, il est vivement recommandé de porter un prénom composé, tels Jean-Marc (Maniatis), Jean-Claude (Biguine), et Jean-Passe.
Ce n’est pas tout ! Très doué en dessin, Jacques-Louis aurait pu être architecte, comme ses deux oncles. C’est sa rencontre avec François Boucher, Premier peintre de Louis XV, et surtout celle avec Joseph-Marie Vien (prénom composé) qui l’amène à la peinture. De son côté, Jean-Louis, qui assiste les plus grands photographes des années 1960, comme Helmut Newton ou Herb Ritts, se destine à une carrière dans la mode. Il est des vocations qui ne demandent qu’à être contrariées…
Force est de constater que chacun dans leur domaine, chacun dans leur époque, les David sont des précurseurs. Jacques-Louis est le peintre qui introduit en France le style néoclassique. Il transparaît dans sa première commande, Le Serment des Horaces (1784-1785). Quant à Jean-Louis, il est le père de la coupe dégradée qu’il réalise pour la première fois en 1970.
Cependant, leurs partis-pris divergent : alors que le néoclassicisme est un style rigoureux, qui s’inscrit dans un mouvement de retour à l’Antiquité, le dégradé de Jean-Louis – qui se définit volontiers comme un « actualiste » – veut « libérer les femmes du carcan des coupes rigides ». Parlons-en des femmes ! Jean-Louis est passionné par leur beauté. Jacques-Louis préfère leur tirer le portrait, comme à Madame Récamier, en 1800. Pour la postérité…
Mais pas d’inquiétude, pour l’un comme pour l’autre, la relève est assurée. De 1780 à 1821, Jacques-Louis forme dans son atelier (qui s’appellera plus tard « École de David ») entre 280 et 470 élèves selon les listes qui ont été retrouvées. Parmi ces apprentis-peintres, on trouve, excusez du peu, Antoine-Jean Gros et Jean-Auguste-Dominique Ingres (encore des prénoms composés). Jean-Louis aussi fait de la formation une priorité, afin que ses coiffeurs soient toujours à la pointe des dernières tendances et techniques. Mais à la différence de Jacques-Louis qui favorise l’expression de talents originaux, même éloignés de sa propre peinture, Jean-Louis veille à ce que le savoir-faire de ses coiffeurs soit identique dans tous ses salons. Autrement dit, pour rester chez Jean-Louis, mieux vaut ne pas trop faire de vagues !
Dernier point commun, « l’exil » : révolutionnaire régicide et artiste impérial, Jacques-Louis David est contraint de s’exiler en Belgique sous la Restauration. Il s’éteint en 1825 à Bruxelles. Sans doute pour d’autres raisons, Jean-Louis David s’est retiré à Épalinges, en Suisse.
tes enquêtes sont géniales et tes recherches sur les homonymes sont très instructives et empruntes d’un humour que j adore!!!!