Je ne sais pas si c’est le « Êtes-vous humain ? » ou le « Juste pour vérifier » qui prête le plus à sourire. Spontanément, la question paraît aussi absurde que de demander « tu dors ? » à quelqu’un qui dort. En effet, qui d’autre qu’un humain pourrait dire qu’il est humain, a fortiori à un écran d’ordinateur ?
Quoiqu’il en soit, si je veux me connecter à mon compte Twitter, j’ai tout intérêt à la prouver correctement, mon « humanité » ! Comment ? En réécrivant les mots indiqués ci-dessous dans la case prévue à cet effet. Attention, chaque détail compte : minuscule/majuscule, espacement, ponctuation…
Ce test, qui apparaît fréquemment au moment de se connecter à un compte ou d’envoyer un message, porte un nom : CAPTCHA. Le mot vient de « capture » prononcé à l’américaine ou encore de « capture character » [1]. C’est aussi le rétroacronyme [2] de « Completely Automated Public Turing test to Tell Computers and Humans Apart » [3]. Voilà pour les présentations.
Si dans notre exemple, il faut reproduire deux mots (le second étant bien plus avenant que le premier), d’autres configurations n’en proposent qu’un seul. Mais rien n’y fait, je dois souvent m’y reprendre à plusieurs fois. J’ai pourtant 10 sur 10 aux deux yeux. Dois-je en conclure que je ne suis pas totalement humaine ?
J’ironise, mais dans les faits ce test est aussi énervant qu’utile. Car ce n’est pas avec un chat qui déambule sur votre clavier ou avec un survivant du crash de Roswell que l’on craint de vous confondre, mais avec un robot. Oui, un robot ! Alors, attention, quand je dis robot, je ne parle pas des robots humanoïdes comme dans le film avec Will Smith ni des robots ménagers qui touillent et qui aspirent. Non, là je parle de robots informatiques, qui se connectent et interagissent avec nos serveurs, exactement comme le ferait un humain. La complexité de l’algorithme à l’origine du captcha est censée leur barrer la route. Pourquoi ? Parce qu’ils peuvent transmettre des virus, et dans le cadre des messageries, envoyer des « spams », vous savez, ces courriers répétitifs et ultra-personnalisés qui vous proposent notamment de vous faire agrandir le pénis alors que vous êtes une femme…
À croire que le système n’est pas si infaillible qu’il n’y paraît. C’est la raison pour laquelle les informaticiens s’évertuent à distendre, à tordre, à flouter, à barrer, à imbriquer encore davantage les lettres jusqu’à les rendre illisibles par les pauvres mortels que nous sommes. Et si seulement le mot voulait dire quelque chose, on pourrait essayer la technique du pendu ! Or, non seulement ce n’est pas du français, mais ça ne signifie rien de particulier en anglais. Normal, ils sont formés de manière aléatoire. Car sauf erreur de ma part, « heyzesp » n’existe pas et – coïncidence – « Louth » est vaguement un comté du Nord-Est de l’Irlande.
Jusqu’où ira-t-on pour déjouer ces robots malveillants ? La nouvelle « mode » consiste à demander à l’utilisateur de faire une opération mathématique. Bon d’accord, il ne s’agit pas (pour l’instant) d’effectuer une multiplication à 3 chiffres, mais quand bien même on ne saurait pas additionner 2 + 2, est-ce une raison valable pour se voir refuser l’accès à un service web ?
[1] En français, « capture de caractères ».
[2] Un acronyme est un sigle que l’on prononce comme un mot normal, c’est-à-dire sans détacher chaque lettre (ex : ovni pour « objet volant non identifié »). La rétroacronymie est le fait d’interpréter un mot comme un acronyme, alors que celui-ci n’en est pas un à l’origine, ou alors de donner un nouveau sens à un acronyme existant (ex : SOS, choisi comme un signal de détresse facilement reconnaissable en code Morse, a été réinterprété en « save our souls »/« sauvez nos âmes »).
[3] En français, « test public de Turing complètement automatique ayant pour but de différencier les humains des ordinateurs.
Tu sais beaucoup de blogueuses et de blogueurs s’en trouvent fort désolés d’avoir recours à ces codes de sécurité , j’en discutais récemment avec une blogueuse qui trouve cela comme tu le sous entends à juste titre deshumanisant.